La sculpture et l’espace

L’être a toujours vécu et évolué dans un espace, qu’il soit vaste, infini, ou qu’il soit délimité par des frontières, un enclos, des murs. La nature offre en soi un espace « environnant », un lieu d’aisance, de mouvement, de déplacement. La nature des êtres, animaux ou humains, jouissent de la dimension de l’espace riche de ses trois dimensions.

Nous admettons tous que la sculpture a un rapport avec l’espace. L’espace est son « milieu de vie ». Tous les deux sont tri-dimensionnels.
Mais la sculpture dès qu’elle se trouve médiatisée, ne permet plus la circulation autour de celle- ci :
il apparaît alors un manque de l’espace naturel environnant cette sculpture de trois dimensions : elle se retrouve exprimé en deux dimensions (2d) ; cela constitue une crise.

La sculpture est une forme dressée dans l’espace

La sculpture peut définir, occuper, ou modifier l’espace qui l’entoure, tout en engageant le spectateur dans une expérience « spatiale ».
Le sculpteur joue avec les notions de positif et négatif, d’équilibre, de rythme spatial, et d’échelle pour susciter des réponses émotionnelles ou intellectuelles.
Ainsi, la sculpture devient un moyen de transformer notre perception et notre interaction avec l’environnement.

La sculpture est une forme dans un espace.
Cet espace lui permet son développement intégral puisqu’il et elle sont tridimensionnels par nature.
La statue évolue donc en cet espace et donne le lieu à mon concept : trois dimensions

  • hauteur
  • largeur
  • profondeur.
    La sculpture est donc par nature tridimensionnelle, je suis en présence de la réalité tridimensionnelle.

La crise dans l’objet médiatisé 

Mais alors que l’objet naturellement tridimensionnel se trouve médiatisé sur une surface plate, photo ou écran, la vérité se diffère en une image plate.
Irrémédiablement plat, « différant » l’objet invariablement.
Il « suppose » sa forme complète.

Je ne peux alors que posséder en illusion : l’objet «inatteignable».
Impalpable, la profondeur au sens matériel, est « illusive ». C’est donc une pauvreté puisque l’objet naturellement matière, tridimensionnel, est différé en une image.

L'image plastique est immédiate

L’immédiat est donc dans l’objet constitué de ses trois dimensions, touchable. 
Le média (écran, photographie, etc…) de fait transférant en temps, diffère.
Devenu imprenable, l’objet est devenu différent, numérisé. 
Il semble que ce soit le chef d’œuvre qui est immédiat. Puisque il utilise le fondamental de la nature, à savoir les trois dimensions dans l’espace :

  • le volume
  • le dessin
  • la couleur. Il n’est pas projeté par un média qui le diffère.

La non- plastique et sa violence

La forme peinte, dessinée doit être une plastique tri-dimensionnelle pour être vraie. En dehors, s’insinue un mensonge en réalité.

« …Soyez platement exacts. Il y a une fausse exactitude : celle de la photographie et du moulage…. » Rodin

La statue immédiate

Les premières statues en France parmi lesquelles tient une noble place la Vierge de l’époque romane, sont le témoignage de l’intérêt de la sculpture : La sculpture permettait au fidèle de circuler autour de l’image vénérée.
De cette circulation autour, l’image qu’elle soit vénérée ou non, sur un support média, ne la permet plus.
C’est donc de n’offrir l’objet qu’en 2D (deux dimensions) en un environnement habituel (l’écran ») qui constitue une crise.

La 3 ème dimension, l'acquis formidable

La statue romane indépendante qui est issue de l’icône, montre par elle même la possibilité de « déambulation » du fidèle dans le cadre architectural qui expose la statue.
Par rapport à l’icône, cette Vierge affirme nettement « la plastique tridimensionnelle » dans un espace.

Cette statue garde son intérêt frontal dans la mesure où le fidèle est appelé à sa vénération en se situant dans son regard, de face. Mais grâce à son développement tridimensionnel, la statue ne perd rien en intérêt lorsque je me place sur son côté. On dirait que la profondeur est exagérée volontairement.

En Europe de l'Ouest, l'espace s'offre à la statue

L’icône en tant qu’image, doit s’entendre de l’icône peinte, « écrite », traditionnellement orientale, dont l’expression privilégie

  • la représentation à plat
  • les perspectives inversées.
    Dans ce sens elle n’est pas « plastique ».

C’est une caractéristique de l’Europe de l’Ouest d’avoir développé l’image en trois dimensions (statue).
L’Europe de l’Ouest a offert le berceau de la « grande statuaire ».
. Puisque l’art utilise le fondamental de la nature, à savoir les trois dimensions gérées dans

  • le volume
  • le dessin
  • la couleur.
    Il n’est pas projeté par une image qui le rend autre que lui même : le chef d’œuvre est immédiat

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Martin Damay

Martin Damay est sculpteur professionnel. La pierre est la matière dominante de ses statues. Tailleur de cette pierre il s'est formé auprès de nombreux maîtres à partir de 1986. Le figuratif est devenu sa spécialité pour la sculpture de toute taille.