La sculpture et l’art sacré

La qualité devrait être la condition de l’union de la sculpture avec le sacré, toutefois la distinction des deux (art et sacré) ainsi que leur noblesse propre font que la plupart des œuvres dites d' »art sacré » manifestent et expriment même l’impossibilité de cette union.

L'art sacré et l'image

« L’absence totale d’images n’est pas compatible avec la foi dans l’incarnation »
(Cardinal Ratzinger)

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Nort sur Erdre, sculpture sur le devant de l'autel.

C’est le rôle de l’’art sacré de tenter l’association du beau et du fonctionnel.

L’ »art sacré » est une orientation de l’art (au sens commun), comme une option de cet art. Car la valeur de l’art ne se réduit pas à un « sacré”.
Les conditions pour parvenir à l’une ou l’autre distinction (profane ou sacré) restent toutefois assez exigeantes. 

« Je rêve d’objets sans âge, d’images troublantes d’un temps indéfini gravé dans ma mémoire, et je contemple, émerveillé, la beauté qu’engendre la spiritualité dans l’art. » Goudji

Le sacré est une orientation de l'art

Le fonctionnel oriente la sculpture puisqu’il associe la sculpture à la “mission” dans laquelle elle est placée : dans une église, un temple…
L’autel par exemple, est à la fois
– beau
– et utilitaire.
Il peut être un lieu d’essai d’association d’art et sacré, mais dans ce cas la beauté est une notion différente de la beauté de l’oeuvre d’art au sens commun ou profane.

Les exigences de l'art

Il est bon de remarquer que le défaut de technique dans un art en donne souvent des œuvres d’amateurs :
Le sujet lui- même, tiré de textes « sacrés », ne rend pas à la sculpture ce qu’elle perd lors du manque de technique.

L'art ne peut se passer de sa magie

Dès lors, l’appropriation d’un art ou d’un médium (peinture, sculpture…) au profit d’un message qui est autre que son essence, viserait à un art «religieux» oui, mais sans la magie de l’Art ?

sculpture et art sacré
Mosaîque romaine, vers le I er siècle. Modelé et technique plastique assumée.
art sacré sculpture
Lourdes (France), décoration ; absence de modelé, maniérisme. L'art est remplacé par le sujet qui veut transcender l'œuvre.

Cette « magie » de l’art, exorcisée, provoque l’absence de modelé jugé trop sensuel !
– Des œuvres plates et pales par la coupure historique due au manque souvent radical de technique est regrettable.

… et la magie de l’art exorcisée, éteint avec elle la vie qui y était contenue.

  • Ce n’est pas le sujet qui rend artistique.
  • Ce n’est pas le sujet qui rend «sculpture».
  • Ce n’est pas le sujet qui possèderait initialement la beauté idéale ou plastique, travail qu’il revient à l’artiste de faire ressurgir.

Une appropriation vers le "religieux" quand le religieux ne peut "advenir"

La magie de l’art, étrange, inconnue ou trop mystérieuse doit être remplacée par le sujet qui l’exorcise. Mais à trop exorciser l’art, que devient- il ?

L'amalgame éloigne alors l'œuvre de l'art

Si l’œuvre, en particulier la sculpture provient d’une technique, elle peut difficilement se confondre avec le « sacré ».
Il s’agirait de « faire de l’art » pour que cela soit religieux, quel- que soit le thème

  • Emporté par une grâce extraordinaire ?
  • inspiré divinement ?

Si je dissocie l’art du travail nécessaire à exécuter une œuvre, je néglige la technique, et cela se constate : le monstre n’est pas inventé par les temps modernes : Des œuvres le manifestent : une contradiction se trouve dans leur finalité, une contradiction inévitable :

  • Amalgamé, les figures sont « monstrueuses », les proportions, bafouées, sont proches de la déshumanisation, et là se trouve la laideur.

La distance voulue avec une technique, met en exergue l’œuvre apolitique, ou anti- politique, comme si à cet endroit était placée la supériorité de la grâce sur le temporel.

Dans le résultat hétéroclite et souvent d’amateur, règne une nostalgie plus qu’un acte d’inspiration ; le raisonnable se veut supérieur au génie vivant.

Le véritable sculpteur est celui qui fait l'extérieur et l'intérieur.

La forme sculptée, par exemple une main (la main d’un personnage sculpté) ne peut être vue sous l’idée de symbole. La main sculptée n’est pas le symbole de la main ;
Le vrai sculpteur ne cherche pas le symbole, il cherche une expression rendue par le potentiel de la pierre qu’il travaille.
La véritable sculpture contient donc un « intérieur » ; la forme, bien au delà du symbole, est habitée.
La vie ne peut être extraite de la notion d’art.

Que retenir ?

L’art qui est appelé « sacré » exprime la plupart du temps l’impossibilité de l’accord.
De fait y a t-il une possibilité d’association ? : Car la magie de l’art, étrange, inconnue ou mystérieuse, doit être transcendée par le sujet qui l’exorcise ! Mais à trop exorciser, l’art véritable s’éteint et que devient- il ?

Martin Damay

Martin Damay est sculpteur professionnel. La pierre est la matière dominante de ses statues. Tailleur de cette pierre il s'est formé auprès de nombreux maîtres à partir de 1986. Le figuratif est devenu sa spécialité pour la sculpture de toute taille.