Il faudrait réapprendre à dépasser la force du sujet exprimé, pour apprécier dans un jugement simple la véritable beauté qui en ressort.
Qu’est ce que la beauté et comment la définir ?
« Dis- moi de grâce ! amour, mes yeux voient ils vraiment la beauté à laquelle j’aspire ? ou bien est- ce que je la porte en moi…? » (Michel- Ange)
Sculpture et beauté
Aujourd’hui, le réseau social décrète ce qu’est la beauté et ce qu’il ne l’est pas
On le voit, ce procédé d’opinion est funeste pour l’art.
La sculpture et la beauté , des fondements
De toutes mes années de pratique, il semble que la sculpture rejoint la beauté lorsqu’il y a maitrise sur la matière.
La laideur vient, à l’inverse, d’une faiblesse de l’acte sur la matière.
La beauté de la sculpture n’est pas dans le mythe “Pygmalion et Galatée”.
Si la laideur se trouve dans la déshumanisation exhibée sur un tableau ou dans une statue, approfondissons la lecture de l’œuvre.
« Qu’est ce que la beauté en fait ? elle n’existe pas, je n’apprécie rien, je ne trouve rien agréable… » (Picasso)
La beauté n’est pas synonyme à limite, et elle est nécessaire à toute avancée et progrès, c’est à dire pour la création et l’invention.
Mais dans la sculpture se trouve un drame qui lui est associé : la limite du sujet dans sa vie ou dans son mouvement, dans son développement.
La sculpture est écoute
« Montre moi la voie ! » demande Michel- Ange à Dante…
– « Ecoute », lui répond Dante.
(Film « Michel- Ange de Andrey Konchalovsky, 2019).
La beauté de la sculpture n’est pas une idée abstraite, inintéressante ou réduisante, absente de la vie. Mais elle contient des exigences propres du fait de sa matérialité.
Les plans construits, les lignes placées, les profils clairs, définissent la sculpture.
L’incarnation possède la même réalité tri-dimensionnelle.
La beauté ne m’échappera pas si dans les premiers instants de mon geste de sculpteur :
- je la capte
- je l’écoute
- je lui offre le plan qui se sculpte et la ligne à construire.
La sculpture est recherche de beauté
«Il n’y a réellement ni beau style, ni beau dessin, ni belle couleur : il n’y a qu’une seule beauté, celle de la vérité qui se révèle». (Rodin)
La beauté fait partie de la quête de la sculpture et elle a sa part dans la qualité de celle- ci.
Si ma sculpture est belle, elle est réussie, et si ma sculpture est réussie, c’est qu’elle contient une part de beauté indépendamment du sujet développé.
Je ne la cherche pas en elle même, j’utilise :
- des médiateurs
- des techniques
Une œuvre structurée n’est pas laide. La sculpture est construite et structurée.
« Tout est beau pour l’artiste, car en tout être , en toute chose, son regard pénétrant découvre le Caractère, c’est à dire la Vérité intérieure qui transparaît sous la forme. Et cette vérité c’est la beauté même. Etudiez religieusement : vous ne pouvez manquer de trouver la beauté, parce que vous rencontrerez la vérité ». Rodin
La sculpture, une beauté immobile
Admettre la sculpture comme beauté immobile n’est pas une réduction de celle- ci : L’acte d’incarnation ne se trouve pas que dans le rôle d’un acteur de cinéma ou de théâtre.
Mais alors que le cinéma est basé sur la relation sociale, souvent conflictuelle, la statue manifeste sa potentialité dans une autre forme de socialité.
La beauté de l'œuvre d'art est troublée par la force du sujet
Dans l’article “Sculpture et art sacré» j’étudie la notion de beauté en tension :
Nous nommons “beauté” ce qui est une soumission à la force du sujet : Un sujet religieux contient un appel à être qualifié de «beau».
Effectivement le sujet est beau en soi.
Mais si je dépouille l’œuvre de ce sujet, elle se réduit souvent, artistiquement, à peu de chose.
Nous croyons que la beauté d’une sculpture provient d’une orchestration, d’une architecture. Le travail est exigeant car la matière cherche à influencer l’acte.
Mais la sculpture, qui contient en soit différentes formes :
– une main
– un cou
– un drapé recouvrant un corps
Ceux- ci ne peuvent en aucun cas être sculptés comme symboles de leur être.
Que retenir ?
Il faudrait apprendre à dépasser la force du sujet représenté, pour juger simplement le degré de beauté véritable qui en ressort.