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ToggleComment je fais une sculpture
Quand on me voit sculpter, une question revient souvent : « Comment fais-tu ? ». Au-delà des aspects techniques – que j’ai détaillés ailleurs sur ce site – cette interrogation révèle une curiosité plus profonde : comment une statue naît-elle, au-delà du simple travail manuel ? Car sculpter, je crois, c’est donner naissance à une forme vivante dans son aspect visuel, une apparition évoquant à la fois l’intemporel et le tangible.
Voici comment je vis ce processus, comment je fais une sculpture.
Chaque coup de burin compte
Lorsque je sculpte une statue à partir d’un bloc de pierre initial de 1,20 m, représentant 0,1 mètre-cube :
Si chaque coup de burin enlève en moyenne environ 1 cm³ de matière : ce volume enlevé représente 1/100 000 du volume total du bloc.
L’inspiration est dans la vision et dans l'intuition
Toute sculpture commence par une vision, mais pas seulement dans le sens d’une image mentale. C’est souvent une intuition, un élan créatif qui semble surgir de l’invisible. Cette intuition prend forme dans mon esprit comme une silhouette floue et cordiale qui demande à être révélée. C’est ici que commence le dialogue avec la pierre : il y aura forme imposée, je cherche à la découvrir, à l’écouter.
La pierre est une matière vivante lorsqu'elle contient le sujet
La pierre peut sembler une matière inerte mais chaque bloc a son histoire, ses propriétés, ses résonances.
Lorsque je choisis une pierre, je cherche celle qui semble prête à accueillir la forme que j’imagine. Le poids, la texture, les veinures – tout cela joue un rôle dans le processus. Sculpter, c’est collaborer avec cette matière pour en faire surgir une présence.
La forme a une naissance
C’est là que réside le mystère de la sculpture. En éliminant l’excédent de matière, en suivant des lignes invisibles mais que je ressens intuitivement, la forme commence à apparaître. C’est un processus à la fois mental et physique : il faut voir la forme dans le bloc avant qu’elle n’émerge. Chaque coup de ciseau est à la fois décisif et révélateur.
Pour faire une sculpture le modelé donne vie à l’immobile
Une sculpture réussie donne l’impression de vie, même dans son immobilité. C’est le modelé – les jeux d’ombres et de lumière sur les volumes – qui crée cette impression. Pour y parvenir, je travaille les courbes, les creux, et les textures avec une attention particulière. La pierre, pourtant rigide, peut ainsi paraître douce, fluide, presque organique, mais elle disparaît visuellement totalement lorsqu’elle cède la place au sujet.
La rencontre entre l’intérieur et l’extérieur
La sculpture n’est pas seulement une forme extérieure : elle exprime quelque chose d’intérieur, à la fois pour moi et pour celui qui la contemple. Créer une sculpture, c’est chercher à transmettre une émotion, une histoire ou une symbolique, tout en respectant le mystère qu’elle contient. Ce dialogue entre l’intérieur et l’extérieur est ce qui donne à une sculpture son âme.
Sculpter avec son être est un engagement physique et vital
Sculpter une statue, c’est aussi s’engager physiquement et vitalement dans un acte de création. Chaque geste est imprégné d’une énergie qui puise dans quelque chose de plus grand que soi.
Cet engagement va au-delà de l’effort manuel : il touche au cœur du principe créateur. C’est comme si, à chaque coup de ciseau, on transformait l’inertie en une présence palpable.
Une création entre matériel et immatériel
En réalité, sculpter est une expérience où le mental, la matière et l’invisible se rencontrent. Chaque œuvre naît d’un équilibre fragile entre la maîtrise technique et l’abandon à l’intuition. C’est cet équilibre qui permet à une statue de prendre vie, de devenir une « apparition » dans le monde, incarnant à la fois l’ancien et le nouveau, le tangible et le mystérieux.